samedi, décembre 16, 2006

Ce pays existe simplement car il n’a pas de raison d’exister.

J’ENVISAGE TA MORT, DONC JE T’AIME

Erdem Resne
(version turque: www.binfikir.be 17/12/2006)


Cette “ertébéenne” version de l’adage de Descartes est assurément absurde pour la pensée cartésienne. Aux tenants de la logique, je conseillerais donc de quitter notre chère Belgique; insupportable leur serait notre fleuron: le Surréalisme. L’”echte Brusseleir” que je suis félicite la télévision publique francophone d’avoir sauvé, par son émission de mercredi soir, la graine surréaliste qui s’épanouit dans mes pensées.

En visionnant après-coup la vraie-fausse indépendance flamande, je me suis résolument complu à vivre au pays de Magritte. A ceux qui me demandent ce qu’est le surréalisme, je répondrai désormais: “c’est Moi!” Imaginez-moi: d’origine turque, belge “entre guillemets” (au Sénat comme à Guantanamo), avouant sans ambiguïté mon admiration pour l’audace de la RTBF, je songe néanmoins à participer, dimanche matin, au rassemblement pour “sauver la Belgique”! Etrangement, grâce à une émission péfigurant la fin de la Belgique que j’aime tant, je me suis senti fier d’être belge. Cette autodérision qui permet tous les excès, cette tradition et cette capacité à caricaturiser le pire me rendent fier de vivre ici. Peut-être le secret d’une Belgique “souveraine éternellement” (ndlr: formule prononcée par Atatürk pour la République de Turquie) se situe-t-il justement dans cette tradition.

J’ai soudainement transposé la scène. Je vois France Télévision annoncer que “les Corses ont proclamé leur indépendance”. Cette petite plaisanterie de 90 minutes pourrait-elle avoir lieu sans qu’il s’ensuive un bon remaniement de la direction? (Ne sauvons pas la peau de Philippot avant d'avoir vendue celle des édiles politiques). Quant à la TRT, je n’ose même pas envisager une telle scène sur ses écrans...

Lors d’une rencontre France – Algérie quelques années auparavant, le Président Chirac avait quitté le stade, sur ses lèvres nous lisions: “on a sifflé la Marseillaise? Je m’en vais!” En Belgique, nous n’avons même pas d’article constitutionnel établissant une version officielle de la Brabançonne. L’hymne s’est tant déformé au fil des ans qu’en 1873, un ministre de la Guerre (aujourd’hui on dirait Défense...) a finalement décidé d’imposer, pour les procédures militaires, la version de Bender. Hors cadre militaire, notre cher hymne si enjoué et dont on ne retient que “le Roi, la Loi, la Liberté” (à défaut d’en connaître même le texte exact) n’est accompagné de musique que par tradition. La Brabançonne doit certainement figurer en tête des hymnes les plus désarticulés de par le monde. Version rap, version jazz, version... arabesque, vous pouvez la couler sous toutes les formes et même en modifier la mélodie, personne ne vous poursuivra pour infraction à l’article 301 (ndlr: du code pénal turc, fameux article d’atteinte à l’honneur de la nation turque). Qu’à cela ne tienne, ce petit pays surréaliste, ce pays dont nous apprenons à aimer le ciel désireux d’un brin de soleil, eh bien ce pays parvient à nous intégrer, nous, Méditerranéens ensoleillés, bien mieux que ne le fait notre grand Coq de voisin, qui tous les matins aime à notre face chanter sa grandeur.

Intégrité territoriale, hymne national,... que nous reste-t-il, que le surréalisme ait épargné? Un drapeau, voyons! Là aussi, une anecdote. Je me rendais, un jour parmi tant d’autres, à mon bureau de l’Hôtel de Ville. Levant les yeux vers la tour, je constate qu’un étendard tripartite dans des tons grisâtres acquiesce les ordres du ciel pluvieux pour plonger dans la tristesse notre “plus petite Grand-Place du monde”. Etait-ce donc le drapeau belge? Le Roi était-il mort, dusse-t-il vivre le Roi? Les Allemands allaient-ils cette fois bombarder la Grand-Place?
Je me précipitai donc à l’intérieur, où j’appris que nous célébrions le premier jour de la “Semaine contre le daltonisme”. Je savais désormais à quoi ressemblait le monde d’un daltonien. On ne pouvait trouver meilleure idée que d’utiliser un symbole national pour dénoncer l’indifférence envers un handicap visuel. Puis je me suis rappelé d’un projet touristique. Il nous fallait absolument les drapeaux de tous les états-membres de l’UE. Listes d’adresses. Tour des ambassades. Arrivé à l’ambassade du Danemark, je suis épié. “Qu’allez-vous faire de notre drapeau?” Je m’explique. On me fait patienter, pour enfin revenir avec un Dannebrög et un mode d’emploi! Je cite:

“le Dannebrög est, d’après la légende, descendu du ciel en guise de symbole divin lors d’une bataille (de 1238, si je ne m’abuse) où le Roi Dan était sur le point de rendre les armes. Le Royaume du Danemark est le plus vieux royaume d’Europe et son drapeau, de même, est le plus vieux du continent; si bien qu’il revêt une grande importance dans la vie du peuple danois qui l’expose en tout lieu (...). Le drapeau danois doit absolument être pendu de manière à ce que son côté inférieur soit plus haut que le niveau des humains (...). Lorsque l’utilisation du drapeau danois est terminée, il doit être méticuleusement plié, d’abord dans la longueur, puis dans la largeur, de manière à masquer complètement la croix blanche qui symbolise notre pureté et doit à ce titre être protégée.”


Ma foi, le “sacré” m’attire. Conscient toutefois de ce que l’histoire nous a offert en folie et massacres commis au nom de principes sacrés, je me rebiffe. Le drapeau belge peut bien de gris se revêtir pour sacrifier le sacré à l’humanité, ne fût-ce qu’une semaine...

J’envisage ta mort, donc je t’aime. Si vous pouvez titrer ceci pour un pays alors que jamais vous n’auriez pensé à proférer ces douces paroles à une femme, c’est une preuve que vous êtes en Belgique. “Petit pays”, de “petites gens” dit-on, qui auraient de “petits esprits” (Charles Baudeaire, in Pauvre Belgique)... qui a accueilli Hugo, Marx et tant d’autres, pour leur attribuer la parole dont on les avait privés. Le pays surréaliste des tableaux de Magritte. La pays perdu des Pelléas et Mélisande de Maeterlinck (le plus grand représentant du symbolisme belge d’expression française est un Flamand: rien d’anormal). Imaginez un pays irréel au point que sa plus grande oeuvre d’épopée nationale soit la “Légende d’Ulenspiegel”, qui n’a rien à voir avec la Belgique et raconte la résistance des provinces flamandes à l’inquisiteur espagnol, ce nationalisme flamand qui nous menace tant aujourd’hui!

Ce pays existe simplement car il n’a pas de raison d’exister. Heureusement donc qu’il existe. Avec son territoire morcelé, son hymne sans musique et son drapeau décoloré...

Erdem Resne – 15 décembre 2006

jeudi, décembre 14, 2006

Mehmet Koksal: "On peut me haïr si on veut, pourvu qu’on me lise."

Binfikir (Décembre 2006) - Entretien avec Mehmet Koksal
“Je ne suis pas un traître à la patrie. Je travaille aussi pour ma patrie: la Belgique!”


[Note préliminaire du traducteur : les questions posées par l’équipe de Binfikir répondent à deux soucis. 1°) permettre à Mehmet Koksal de s’exprimer, en turc, auprès de sa communauté d’origine alors qu’aucun média n’a osé lui accorder la parole. 2°) ce faisant, éviter de prendre sa défense et, dans le respect de la déontologie, aborder toutes les questions que la communauté turque se pose (légitimement ou non) à son égard. La présente interview ne guide ou ne remplace aucunement la production éditoriale que chaque journaliste de l’équipe livre ou a livrée sur le sujet.]


Auteurs: Serpil Aygün, Ismail Dogan, Leyla Ertorun, Erdem Resne, Erdinç Utku
Traduction vers le français : Erdem Resne

Binfikir : Tu es perçu comme un journaliste “anti”. Tu écris toujours de manière négative. Les Turcs en Belgique ne font-ils rien de correct?
MK : Bien sûr qu’ils font de chouettes choses. Mais je ne suis pas un polémiqueur comme on le pense. Je suis simplement les règles de base du journalisme: on ne parle pas d’un train qui arrive à l’heure mais bien de celui qui est en retard. On enquête ensuite sur les raisons du retard, on cherche les responsables, on s’interroge pour savoir si cela pourrait se reproduire. On travaille donc pour améliorer les choses. Dans cette optique, j’examine si les gens racontent les mêmes choses aux médias turcs et belges, et je constate que tout le monde tient un double discours.

Binfikir : Tu évoques Emir Kir par voie détournée. Pourquoi toujours lui? As-tu un problème personnel?
MK : Pas du tout, je l’ai salué sur le plateau de Mise au Point, on a échangé quelques mots. Malgré notre procès je n’ai aucun problème avec lui. Je suis même prêt à le rencontrer en public pour confronter nos arguments.

Binfikir : As-tu les mêmes critères à l’égard de tout le monde?
MK : J’ai traité de la même manière des sujets impliquant Halis Kökten, Sait Köse, Emin Özkara...

Binfikir : Tu ne focalises donc pas sur Kir?
MK : Non.

Binfikir : Arrives-tu à vivre du journalisme? Comment gagnes-tu ta vie?
MK : Je suis correspondant du Courrier international (France) mais également de la radio-télévision turque publique, la TRT dans le cadre de l’émission radio “Voice of Turkey”. L’Etat turc me paie donc indirectement un cachet aussi, j’ai un compte bancaire chez Akbank en Turquie, vous pouvez vérifier !

Binfikir : Certains disent que tu n’as de turc que ton nom, as-tu un problème, un complexe quant à ta “turcité”?
MK : Peut-être que ceux qui tiennent ce discours ne sont que des “journalistes sur papier”, ce qui explique ce type de commentaire. Je n’ai aucun complexe quant à mon origine, je suis d’origine turque, on connaît tant mon père que ma mère !

Binfikir : Concernant le “prétendu” génocide arménien...
MK : Pas “prétendu”. Le génocide arménien...

Binfikir : Quelle est ta position quant au génocide arménien? Puisque le terme “prétendu” t’offusque, tu sembles le reconnaître...
MK : Je ne suis pas dans l’obligation de répondre mais si on me le demande devant une instance officielle, je le ferai. A mon avis vous devriez poser cette question aux politiques. Mon devoir de journaliste se résume simplement à savoir ce qu’eux pensent sur la question et à le transmettre aux lecteurs.

Binfikir : Donc si un Turc réfute le génocide mais qu’il assume ses positions sans ambiguïté, tant sur le plan médiatique qu’au sein de son propre parti, le critiqueras-tu également pour ses positions?
MK : De toute façon, je ne vais pas systématiquement demander sans raison aux personnalités politiques d’origine turque s’ils reconnaissent le génocide, je ne menace personne. Tout simplement, si un candidat participe à une pétition ou une marche, s’il entreprend des démarches appelant à nier les allégations, bref, s’il base sa campagne là-dessus et qu’il veut le faire savoir à son électorat, moi j’en fais une information et donc en quelque sorte je l’aide à établir la communication avec son public!

Binfikir : As-tu piégé Murat Denizli?
MK : Pas du tout...

Binfikir : Le connais-tu? On raconte que vous aviez eu une dispute et que tu as rédigé ton interview suite à cela....
MK : En aucun cas je n’ai eu de dispute. J’ai prononcé son nom pour la première fois sur Radio Pasa, il m’a appelé par la suite en me disant que j’avais “sali son nom” en me demandant une interview pour y remédier. Je l’avais simplement qualifié de “nationaliste”. Il a donc estimé que je l’avais mal présenté et m’a dit “tu me connais pourtant, j’ai bossé dans telle et telle association”. J’ai accepté sa demande d’interview et on l’a réalisé. C’est donc lui qui a voulu m’accorder un entretien.

Binfikir : Tu collabores avec Pierre-Yves Lambert dont la presse turque prétend qu’il travaille pour les services secrets belges. Tu es également accusé d’être un “agent”. Pourquoi travailles-tu avec lui? Quelle est ta motivation?
MK : Je n’ai pas de commentaire concernant Lambert, moi je le connais comme chercheur indépendant et je ne le vois qu’après le boulot.

Binfikir : Es-tu son acolyte?
MK : Je ne suis l’acolyte ou l’apprenti de personne, je suis licencié de l’ULB et lui est chercheur.

Binfikir : Es-tu un “agent”?
MK : Si seulement je l’étais. Si vous saviez mes conditions de vie pour l’instant vous comprendriez que je ne suis pas agent...

Binfikir : Pourquoi? As-tu besoin d’être agent ou d’avoir une protection secrète?
MK : Oui! D’ailleurs je voudrais ici m’adresser au MIT (ndlr: Services de Renseignements Nationaux turcs), autant qu’aux services secrets belges... quoique, en réalité je ne voudrais pas travailler ici, 32 agents qui ne sont pas foutus de surveiller une seule Fehriye [Erdal], quelle image médiocre! Mais si la CIA ou la FSB (ndlr: ex-KGB) ont besoin de moi, je suis prêt!

Binfikir : Pourquoi bosserais-tu pour eux? Pour l’argent? Ferais-tu n’importe quoi pour l’argent?
MK : Non, je ne ferai pas “tout” pour l’argent. J’ai simplement des conditions pour qui veut bien m’engager. Par exemple, ne pas me forcer à mentir. Par exemple, je ne n’insulterai pas le père de quelqu’un pour de l’argent (ndt: pour les lecteurs francophones, MK avait été victime d’allégations honteuses quant à son père sur un site internet turcophone), je ne traiterai personne de traître à la patrie (ndt: allégation d’un organe turc quant à MK). Moi aussi j’ai un honneur et un statut familial. Moi, vous,... nous, journalistes, nous sommes responsables de ce que nous écrivons car nous sommes lus par tout le monde. Dans cette optique, j’ai été pointé du doigt pour mes opinions. Mais je ne peux supporter de voir certains impliquer ma famille pour ce que j’ai personnellement écrit car eux ne sont pas responsables de mes écrits. Qu’on m’insulte ou qu’on me taxe de traîtrise, pas de problème, mais qu’on ne touche pas à ma famille!

Binfikir : On ne fait donc pas tout pour l’argent. Tu dis être professionnel. Pourtant on a vu ta signature sous des articles d’une presse réputée proche des islamistes...
MK : Oui j’ai travaillé pour “Merhaba” (ndt: suspecté proche de la tendance nurcu de Fethullah Gülen). J’ai personnellement postulé auprès de ce magazine. Ils étaient réputés proches d’une association religieuse mais je les avais trouvés professionnels et prometteurs. Aujourd’hui je pourrais même écrire pour une revue du BADD (ndt: Association de la Pensée ataturkiste en Belgique) s’ils me demandent de le faire. J’ai une rubrique dans le Journal du Mardi, dont on connaît la proximité avec le PS, alors que moi j’ai fortement critiqué ce parti. Je leur ai simplement posé des conditions: on ne modifie pas mon article sans ma permission et on doit me payer pour mes services. Si vous acceptez les deux, je veux bien bosser pour vous. Dans ces conditions, si mes écrits sont lus tant par les partisans de Fethullah que par les Kémalistes, j’en suis fier. On peut me haïr si on veut, pourvu qu’on me lise. C’est mon seul souci. Il ne suffit plus de parler entre nous car quelles que soient nos opinions nous devons nous écouter réciproquement, c’est la condition du vivre-ensemble.

Binfikir : Pourquoi tu n’écris pas dans Le Soir ou quoi ? As-tu postulé? Pourquoi tu te prends la tête avec les Turcs?
MK : J’ai toujours postulé, ils n’ont qu’à m’embaucher. Je me prends la tête avec personne, ceux qui me suivent savent très bien que je ne traite pas que des sujets liés aux Turcs...

Binfikir : Pourquoi ne t’embauchent-ils pas? En plus ils te citent toujours comme source, ils te présentent comme le journaliste le plus averti quant aux allochtones, ils n’ont qu’à t’engager comme expert..
MK : Je ne sais pas pourquoi ils ne le font pas, mais je vous remercie de tant oeuvrer pour me faire gagner un salaire ! Et je dis: écrivez donc au Soir pour demander “pourquoi vous utilisez ce gars comme source – parfois sans même le citer – alors que vous ne l’engagez pas?”

Binfikir : La presse belge t’a-t-elle forgé un rôle? Du genre : “Tu es turc, occupe-toi des Turcs à notre place”...
MK : Je vous ferai remarquer que la presse belge ne me cite pas en tant que “Turc” mais bien en tant que “journaliste”. Et ceux que je critique le plus aujourd’hui ne sont pas les politiciens d’origine turque. Ce sont les responsables les plus haut placés du PS, d’Ecolo, du MR,... Quand ils considéreront leurs candidats allochtones comme tous les autres citoyens, alors je me pourrai me taire.

Binfikir : Tu es à la fois journaliste et traducteur-interprète, tu interviens auprès des cours et tribunaux. N’y a-t-il pas de problème du point de vue de la déontologie?
MK : Je ne peux m’exprimer à ce sujet. Je peux tout au plus dire ceci: je n’exploite aucune information que j’obtiens en tant qu’interprète à des fins journalistiques. Pour mes clients, je ne suis qu’un interprète et rien d’autre.

Binfikir : Est-tu un traître à la patrie?
MK : Non. Je travaille pour ma patrie: la Belgique!

Binfikir : Et la Turquie?
MK : Je suis d’origine turque et je travaille également pour la patrie turque: pour la TRT! (ndt: radio-télévision publique.)

Binfikir : Comptes-tu accomplir ton service militaire?
MK : Non, je ne le ferai pas. Je suis opposé au service militaire obligatiore. La Belgique est un pays si formidable qu’elle vous autorise à revenir siéger à la Chambre des Représentants après avoir accompli votre service militaire en Turquie. Je vous demande ceci: si aujourd’hui, quelqu’un qui siège à la Grande Assemblée Nationale de Turquie faisait son service militaire pour le compte d’un autre Etat, jurait fidélité à son drapeau et son intégrité, serait-il accepté à l’Assemblée à son retour? C’est ce type de critique que j’énonce. Mais la Belgique est un pays si démocratique qu’elle ne critique même pas Cemal Cavdarli (ndt: Député SP-A de Gand) à ce sujet. Il faudrait applaudir un tel pays.

Binfikir : As-tu peur? Tu pousses tant de gens à bout... Reçois--tu des menaces?
MK : Ce serait mentir que d’affirmer que je n’ai pas peur. Mais malgré la peur, je suis désormais embarqué dans cette histoire et j’irai au bout...

Binfikir : Est-ce que cela vaut la peine de prendre tant de risques?
MK : Oui, parce que la jeune génération est derrière moi. Vous savez, être journaliste est plus difficile qu’être politicien. Parce que je suis obligé de relater tout ce que tu dis. Si tu dis A je fais l’info A, si tu dis B je fais l’info B... mais en plus, je suis obligé d’enquêter pour savoir pourquoi tu dis B aujourd’hui alors que tu m’avais dit A hier!

Binfikir : La jeune génération non plus ne lit pas beaucoup la presse francophone ou néerlandophone. Beaucoup de jeunes avec qui on s’est entretenus après les élections ne savaient rien de l’affaire Denizli...
MK : Cela veut dire alors que la presse turque n’a pas fait correctement son boulot. Même l’affaire Kir-Koksal, qui intéresse toute la population turque, n’a pas été traîtée dans les médias turcs en dehors de Binfikir. Ces affaires ont démontré les limites de la liberté et de l’indépendance de la presse locale turque. Parce vous n’osez pas publier les informations qui nuisent aux élus de votre communauté. C’est là que j’ai compris l’importance et la nécessité de faire de l’information en langue turque. Parce que la communauté a été informée uniquement via la traduction de quelques paroles émanant de quelques personnes, et ce manque d’information, cette rétention d’information a poussé à l’incompréhension, aux insultes de la communauté turque à mon égard. C’est votre faute. Ce black-out m’a causé beaucoup de problèmes, j’ai été accusé de traîtrise. Alors qu’à l’époque, j’avais besoin ne fût-ce que d’un article. Mais finalement, j’ai démontré devant la justice avec pièces à l’appui ceux qui mentent réellement et je savoure aujourd’hui cette victoire. Parce que certains comme Zeynel Lüle (ndlr: correspondant de Hürriyet à Bruxelles) m’avaient collé l’étiquette de traître à la patrie et m’avaient traité de “journaliste entre guillemets”. Les journalistes turcs qui m’ont accablé n’ont pas pris la peine un seul jour de m’appeler pour me demander “tu es aussi d’origine turque, pourquoi es-tu en procès?” Ils ont fait croire que j’étais demandeur alors que l’action judiciaire émane d’Emir Kir, c’est lui qui m’a réclamé 7.500 € alors que moi je n’avais rien demandé. Même des associations comme l’UETD (ndt: Association des Démocrates Turcs d’Europe, réputée proche du gouvernement turc actuel et de la tendance AKP) ont fait des déclarations aberrantes quant à notre procès. Tout le monde peut soutenir la partie adverse, je ne peux empêcher personne de défendre Kir, mais avant de faire des commentaires, appelez-moi aussi pour demander mes justificatifs et mes preuves.

Binfikir : Les gens se demandent pourquoi Mehmet, qui attaque le MHP (nationalistes turcs), n’attaque pas les islamistes...
MK : C’est incroyable! La religion, le foulard, Mahinur Ozdemir, la campagne par SMS orchestrée par le cdH contre le PS, qui a traité ces sujets? J’ai également écrit sur le double discours de la tête de liste CDH à Schaerbeek Denis Grimbreghs quand il déclare ne pas être contre le foulard au Conseil communal, mais qu’au Collège cela poserait problème. Je ne peux pas tout écrire non plus! Puis, tout sujet n’est pas forcément intéressant. Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui je parle avec Leyla Ertorun (ndt: candidate PS à Schaerbeek, non-élue, 3e suppléante, membre du mensuel Binfikir), que je vais forcément tout relater sur mon blog, parce qu’en plus elle n’est toujours pas en situation de force au sein du parti. Quoique, en tant que vraie socialiste elle risque plus que d’autres d’être convoquée à la Commission de vigilance du PS pour contrôler son socialisme. Car vous savez, au PS, on ne discute pas du socialisme de Derya Aliç, d’Emin Ozkara ou d’Emir Kir, mais bien celui d’une socialiste de longue date, Sfia Bouarfa! A mon avis, c’est là le problème et c’est ce que je critique.

Binfikir : Tu mets en doute le socialisme d’Emir Kir?
MK : Bien sûr. Je peux vous donner un exemple: c’est lui qui a amené au PS un certain Murat Denizli, qui l’a “parrainé” comme on dit. Ce n’est pas moi qui prétend cela, ce sont les militants socialistes qui le disent.

Binfikir : Y a-t-il, d’après toi, une différence entre le Mehmet que tu vois dans le miroir et le Mehmet tel que la communauté turque le connaît? Te connaît-on et te comprend-t-on comme tu es?
MK : Je ne crois pas qu’il y ait une différence. Je pense qu’ils me comprennent. Je ne ressens pas le besoin de me faire connaître à la population turque, j’ai grandi dans cette communauté et j’en suis l’enfant. Je suis le gamin du quartier. C’est un fait quand bien même je serais critiqué et perçu comme un traître – mais c’est vous qui pensez qu’on me prend pour un traître. Les médias peuvent m’avoir décrit ainsi et ceux qui ne me connaissent pas personnellement peuvent avoir des réticences, parce que la presse turque à laquelle ils font confiance donne de moi une image négative. Mais ne pensez pas que tout le monde me voit de cette manière, ne regardez pas cette communauté avec les lunettes de cette presse, les lunettes de Belturk. Parce que la vision de la communauté change, même cette presse commence à changer. Même si on ne me connaît pas tel que je suis, ce ne saurait qu’être la faute de la presse turque locale, parce qu’elle ne me donne pas voix au chapitre.

--- encadré ---
“La Turquie ne m’a rien donné”
MK : “Je ne comprends pas que les Turcs vivant ici s’intéressent davantage à la Turquie qu’à la Belgique. Pourquoi les gens qui manifestent pour la Turquie ne sortent jamais de la même manière en nous disant “Prends ton drapeau et marche contre le séparatisme flamand” ? Je comprends encore la première génération mais pourquoi des jeunes comme moi s’intéresseraient-ils plus à la Turquie? J’ai 29 ans. Qu’est-ce que ce pays m’a donné? De plus, on me demande plus de 5.000 € ainsi qu’un service militaire obligatoire. En contrepartie, on ne m’octroie même pas le droit de vote. Moi aussi je voudrais, en tant que citoyen turc, voter pour l’AKP, le CHP ou le MHP. Même le Royaume du Maroc permet à ses ressortissants à l’étranger de voter, ceux-ci ont même des députés qui les représentent au Parlement! Moi aussi je voudrais élire ces gens qui prennent des décisions quant au service militaire et aux frais de passeport de plus de 3 millions de Turcs vivant à l’étranger, avoir des députés qui expriment ma voix à l’assemblée législative. Aujourd’hui le code pénal turc prévoit que pour le même délit qu’un Emirdaglois commettrait au pays, moi, Turc à l’étranger, j’écoperais d’une peine plus lourde! Je critique ce type de discrimination flagrante. Voilà ce que je défends en tant que Turc d’Europe et je compte entamer des actions à ce sujet, je me demande bien qui va me soutenir dans cette démarche.”

mardi, décembre 12, 2006

Christian Ngongang Ouandji, premier échevin belge d'origine camerounais

Ironiquement, j'ai appris l'élection de ce "premier échevin noir en province du Luxembourg" via la rubrique bimensuelle de Guido Fonteyn (grand journaliste flamand établi en Wallonie) dans le quotidien flamand De Morgen, titrée hier "Délivrez-nous de Michel Daerden", où il évoque ces nouveaux mandataires wallons (dont certains immigrés... flamands récents) dont "les profils diffèrent bien considérablement de ce qu'on appellera pour plus de commodité le profil Michel Daerden", le "demi-fou, demi-saoûl, demi-dérangé Daerden", "huileux ministre régional wallon et maître absolu d'Ans, où son fils a pu lui succéder comme bourgmestre".

Et c'est vrai que, jusqu'ici, aucun élu allochtone n'a encore réussi à atteindre le niveau de ridicule, de mauvais goût et d'ivrognerie d'un Daerden ou de feu "Dikke Mich" Demaret, ci-devant bourgmestre PSC de Bruxelles dont le procès posthume (de ses complices) avait lieu ces jours-ci, ou de son prédécesseur feu Hervé "Bourbon" Brouhon, lui aussi bourgmestre (PS) de Bruxelles.

De même qu'aucun élu allochtone, toujours jusqu'ici, n'a contribué physiquement à créer une section d'entreprise de son parti dans l'une ou l'autre prison du pays pendant son mandat, même les deux seuls élus belges (à ma connaisance) à avoir tâté de la prison pendant leur mandat pour trafic de stupéfiants sont deux "autochtones", dont un du Vlaams Blok.

Si je compte bien, Christian Ngongang Ouandji devient chronologiquement le septième échevin noir/d'origine subsaharienne de Belgique après:

Pierre-Yves Lambert

rétroactes
Belgique - Candidats d'origine camerounaise aux élections communales
Echevins d'origine non-européenne en Belgique (1994-2006)
Echevins d'origine non-européenne en Belgique (2006-2012)



La Meuse (éd. province du Luxembourg) jeudi 07 décembre 2006, 09:53

« Ma couleur de peau n'a pas joué »

Il est le 1er échevin aux origines africaines de la province

N.HN

A Marche, le nouveau visage de la culture se nomme Christian Ngongang. Portrait.

« Je ne conçois pas de vivre quelque part sans m'y impliquer un minimum. J'ai toujours adoré la politique. Me présenter aux élections, c'était un devoir pour moi. J'avais vraiment envie de participer à la gestion de la commune ».

Christian Ngongang est le nouvel échevin de la culture à Marche. Ce chirurgien s'est installé dans la région il y a maintenant quatre ans.

« Je ne pensais pas obtenir un nombre de suffrages aussi élevé. Il faut, en effet, remettre les choses dans leur contexte. Je ne suis pas né à Marche. Je ne suis pas là depuis longtemps... J'espérais juste obtenir suffisamment de voix pour être conseiller ».

Le soir du 8 octobre, les résultats dépassent ses espérances. Christian Ngongang obtient 1.016 voix. Le sixième score en la matière sur la liste cdH. « Je suis noir. Beaucoup peuvent avoir des a priori négatifs. À ma grande surprise, ma couleur de peau n'a pas pesé dans la balance. Les Marchois m'ont directement fait confiance. Je les en remercie vivement ».

La culture et la jeunesse, des passions? « Des envies, plutôt. Cette proposition d'échevinat tombe bien. Elle correspond à mon programme électoral. Si j'étais élu, j'avais en effet émis le souhait de développer la promotion du sport chez les jeunes, le soutien aux plus défavorisés... »

Quelles spécificités a-t-il envie d'apporter à son échevinat? « On ne change pas une équipe qui gagne. La culture est déjà bien développée à Marche. Dans un premier temps, je vais découvrir les projets mis en route par mon prédécesseur, Philippe Hanin. J'ai en outre constaté que beaucoup de Marchois sont avides de découvrir une autre culture. Et comme je connais plutôt bien la culture africaine, certains projets pourraient être menés dans cette voie. J'aimerais aussi faire mieux connaître Marche partout en Belgique ».

Le futur échevin pense-t-il pouvoir concilier ses activités médicales et son mandat politique? « Quand j'ai été élu, j'ai reçu de nombreux coups de fil inquiets. J'ai accepté ce mandat en connaissance de cause. J'ai en effet décidé de me libérer du temps. Je continuerai mes activités à l'hôpital de Marche. Mais dès janvier, je ne me rendrai plus à Bruxelles où j'opérais un jour/semaine et où j'avais encore une après-midi de consultation ».


http://www.lecdh-marche.be/candidats.php

11. CHRISTIAN NGONGANG

Docteur en médecine, chirurgien digestif et général.

Rue V . Libert. 7c bte 22
6900 MARCHE


Je connais pas mal de patients de ce brillant chirurgien de notre hôpital qui m'ont dit qu'ils avaient ressenti en lui une présence réellement amicale et donc fort rassurante. Christian n'a pas voulu travailler dans une clinique universitaire : il aime le côté familial de l'IFAC, il aime Marche, il aime son club de basket, … Bref, un Grand format et comme tous les Grands, Christian est d'une simplicité charmante et authentique.


http://www.cameroon-info.net/cmi_show_news.php?id=18149&cid=756

BRUXELLES - 23 OCT. 2006
© Cameroon-Info.Net

Dr Christian NGONGANG OUANDJI, Chirurgien

Echevin de Sport et de la Culture... à Marche-en-Famenne.

E-Mail: drnoc5@yahoo.fr

- Chirurgien, Marié, Il s'était présenté sur la Liste CDH (Centre Démocrate Humaniste) à Marche-en-Famenne en 11ème position.

Il a obtenu 1016 voix et se trouve en 6ème position sur une liste de 25 personnes. Soit un score d'environ 10% sur une polulation de 12042 habitants. Son parti, le CDH, a obtenu la majorité absolue, soit 55.7%.

Mr Ngongang se voit donc confier le siège d'Echevin (Adjoint au maire) en charge du Sport et de la Culture. Ce qui semble lui convenir. Lui qui pense ainsi aider encore plus la population de Marche-en-Famenne, et les jeunes en particulier, en adéquation avec le plan qu'il a exposé lors de sa campagne.