lundi, décembre 08, 2008

L'Etat belge discrimine ses ressortissants d'origine marocaine !

A l'occasion des arrestations opérées par la police belge fin novembre 2008 suite aux mandats d'arrêts internationaux décernés par le Royaume du Maroc dans le cadre du procès du "réseau Belliraj", la presse a reproduit, sans les mettre en exergue ni les commenter sur le fond, les propos de la porte-parole du Parquet fédéral belge, Lieve Pellens, concernant les suspects binationaux "extradables" vers le Maroc.

Il y a pourtant matière à réflexion et à commentaires, puisqu'il s'agit là de l'application d'une Convention belgo-marocaine sur l'extradition signée en 1997 et promulguée par le Sénat et la Chambre belges en... 2005 sans que son quatrième article ("Les Parties contractantes n'extraderont pas leurs ressortissants respectifs. La qualité de ressortissant s'appréciera à l'époque de l'infraction pour laquelle l'extradition est requise.") suscite (jusqu'à preuve du contraire) la moindre réserve de la part des parlementaires parmi lesquels, à l'époque, plusieurs élus eux-mêmes binationaux belgo-marocains, soit trois députés fédéraux, Mohamed Boukourna (PS), Talbia Belhouari (PS) et Nahima Lanjri (CD&V), et six sénatrices Mimount Bousakla (SP.A), Sfia Bouarfa (PS), Amina Derbaki Sbai (PS), Olga Zrihen (PS), Jihane Annane (MR) et Fauzaya Talhaoui (Spirit).

En clair, un citoyen belge d'origine marocaine se trouvant sur le territoire belge peut, depuis l'entrée en vigueur de cette convention, être considéré par l'Etat belge comme un ressortissant marocain, en-dehors même de toute procédure de déchéance de nationalité (procédure régie par la loi et jamais appliquée, mis à part pour des Belges d'origine allemande il y a plus d'un demi-siècle), et malgré la proclamation constitutionnelle de l'égalité des Belges devant la loi et la suppression il y a une quinzaine d'années de la distinction entre "petite naturalisation" et "grande naturalisation".

Les corédacteurs belges de cette convention (en 1997) étaient particulièrement hypocrites puisque, de toute évidence, cet article ne pouvait s'appliquer qu'aux Belges d'origine marocaine, jusqu'à preuve du contraire il n'y a en effet pas de Marocain d'origine belge, la législation marocaine en matière de nationalité étant particulièrement archaïque, ne permettant par ailleurs pas (sauf par décret royal) à une personne ayant acquis une autre nationalité de renoncer à la nationalité marocaine (probablement parce que cela équivaudrait à un outrage au roi et commandeur des croyants que de ne plus vouloir en être "sujet", et aussi parce que la nation marocaine, même si elle inclut encore quelques Juifs, est essentiellement musulmane et que l'abandon de cette nationalité équivaudrait à une apostasie).

J'ai alerté il y a plus d'une semaine (le 28/11) divers parlementaires et un responsable associatif, personne ne m'a répondu, manifestement il y a malaise parce que cette discrimination ne frapperait, dans cette affaire d'actualité, que des suspects de terrorisme et que personne ne voudrait apparaître comme "défenseur de terroristes".

Pourtant, il s'agit bien d'un dossier qui mérite d'être débattu, ils sont bien muets tous ceux qui dénonçaient, il y a trois ans, les propos de la Présidente du Sénat, Anne-Marie Lizin (PS), sur les "Belges entre guillemets". Mais il y a des indignations sélectives...

Pierre-Yves LAMBERT
8 décembre 2008

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"Sept de ces suspects seraient extradables. Les autres personnes ayant la nationalité belge ne pourraient pas être extradées à moins qu'elles aient acquis la nationalité belge après les faits pour lesquels elles sont accusées par les autorités marocaines." (...) "Sur les sept suspects interpellés jeudi matin et qui sont extradables, trois sont connus de la Justice belge pour avoir été condamné dans le cadre du procès fin 2005 du GICM (Groupe islamique combattant marocain), celui du GIA (Groupe islamique armé) en 1995 ou dans le cadre d'un dossier de grand banditisme. Six de ces sept hommes ont la nationalité belgo-marocaine et le dernier est Algérien. Les six premiers ont acquis la nationalité belge après les faits dont ils sont accusés par les autorités marocaines." (dépêche Belga 27/11/2008)

"Art. 4. Les Parties contractantes n'extraderont pas leurs ressortissants respectifs.
La qualité de ressortissant s'appréciera à l'époque de l'infraction pour laquelle l'extradition est requise.
" (7 JUILLET 1997. - Convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume du Maroc sur l'extradition, signée à Bruxelles le 7 juillet 1997. - publication le 29/04/2005, entrée en vigueur 21/05/2005)

Plainte du MRAX à l'AJP contre Le Vif

Réflexion shaïtanesque

Il est pour le moins surprenant que l'avis de l'Association Professionnelle des Journalistes (AJP), cinq jours après avoir été rendu public (24/11/08), ne soit reproduit que sur le site... de l'AJP!

Cet avis est nuancé mais globalement très critique vis-à-vis de Dorothée Klein, rédactrice en chef d'ailleurs critiquée par la société des journalistes du Vif le lendemain même (04/09/08) de l'annonce de la plainte du MRAX (03/09/08).

Il ressort clairement de l'audition de la journaliste du Vif par le bureau de l'AJP qu'elle a été manipulée par la rédactrice en chef, et qu'il ne lui a aucunement été demandé de fournir un reportage objectif. Il s'agissait manifestement d'un article islamophobe de commande dont la titraille et les illustrations n'ont d'ailleurs même pas pu êtres choisies par cette journaliste, qui s'est même pliée à l'exigence de Dorothée Klein de modifier la "chute du papier" afin de "prendre position", ce qui dans la novlangue du Vif se dit "angler un papier". Comme par hasard, c'est à une journaliste portant un nom et un prénom arabes que cet article a été commandé, et quand on connaît la précarité du statut de la plupart des journalistes en Belgique, il est difficile de lui reprocher d'avoir cédé à la pression et d'avoir fait oeuvre de mercenariat au service de l'islamophobie.

L'addendum publié en ligne sur le même site de l'AJP (mais pas au même endroit que le communiqué initial) est dévastateur pour Dorothée Klein, qui est implicitement traitée de menteuse par le directeur et par le directeur-adjoint du Centre pour l'égalité des chances, dans un courrier daté de septembre mais qui n'a été rendu public que fin novembre.

Pierre-Yves LAMBERT

rétroactes:
http://fr.groups.yahoo.com/group/suffrage-universel/message/4006
http://www.mrax.be/article.php3?id_article=683
http://www.levif.be/actualite/belgique/72-56-22225/le-mrax-saisit-l-ajp-pour-un-article-du-vif-sur-l-islam.htm

Communiqué de l'AJP
Déontologie : le Bureau exécutif de l'AJP a rendu son avis relatif à la plainte du MRAX contre le dossier du Vif "Comment l'Islam menace l'école". 24 novembre 2008

L'avis intégral se trouve ici (pdf)
http://www.agjpb.be/ajp/telechargements/AVIS%20def%200811.pdf


http://www.agjpb.be/ajp/journalistes/actus.php

Déontologie - Avis de l'AJP: plainte du MRAX contre le Vif - Addendum - Précisions quant à la position du Centre pour l'égalité des chances

2008-11-25

Le centre pour l'Egalité des chances nous demande de préciser que dans l’avis rendu, il lui est attribué une position qui n’est pas la sienne (à savoir qu’il trouverait "incroyable que l’on puisse condamner le Vif et dans le même temps défendre la publication des caricatures de Mahomet”). La rédactrice en chef du Vif nous demande d’ajouter qu’elle a bien tenu ces propos, rapportés dans la partie “audition” de l’avis de l’AJP, mais qu’il ne s’agit pas de la position du Centre, mais de ceux du porte parole d’une autre organisation qui ne souhaite pas être cité.

Afin de lever toute ambiguïté, nous publions ci-après in extenso le courrier que le Centre avait adressé à la rédactrice en chef du Vif en date du 3 septembre, et qu’il vient de nous transmettre, suite à la diffusion de notre avis.

Madame la Rédactrice en chef,

Le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme a pris connaissance du numéro du « Vif/l’Express » de cette semaine. Il a également été interpellé par divers acteurs ou simples citoyens, qui ont déploré les titres choisis en couverture et en page intérieure de votre dossier : « Comment l’islam menace l’école » et « Comment l’islam gangrène l’école ».

Le Centre est très respectueux de la liberté de la presse et n’ignore pas que la liberté d’expression inclut « les opinions qui choquent, qui blessent ou qui inquiètent ». Néanmoins, nous sommes troublés par le fait qu’un journal qui a jadis consacré à l’islam nombre d’articles et un remarquable hors série, et a ainsi contribué à mieux faire comprendre la diversité de l’islam et les nuances de ses pratiques, paraisse cautionner l’usage de l’association connotée « islam-menace ».

Il ne s’agit pas non plus pour le Centre d’ignorer les réalités épinglées par votre dossier. En 2005, le Centre menait une large consultation sur le même sujet ("Les expressions actives de convictions religieuses ou philosophiques dans la sphère publique : situations, pratiques, gestions" Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, mars 2005). Il en ressortait, comme l’a d’ailleurs souligné « le Vif » à l’époque, que si ces pratiques et tendances étaient bien réelles et inquiétantes, elles étaient circonscrites à certaines écoles (de fait, ghettos) et s’inscrivaient dans le quotidien difficile d’une école en crise. Votre éditorial, stimulant - hormis le litigieux vocable de « gangrène » - souligne aussi combien sont complexes et divers les facteurs conduisant aux médiocres performances de l’enseignement francophone.

Comme beaucoup, ce sont donc les titres, les mises en perspective et en image que le Centre déplore, craignant qu’ils ne renforcent les amalgames et les sentiments de peur à l’égard de l’islam et des musulmans. Le Centre a toujours été attentif à la question des stéréotypes, des généralisations et des manichéismes concernant les allochtones et les minorités dans la presse ("Recommandations pour l'information relative aux allochtones", CECLR et AGJPB, 1994). C’est un débat passionnant et difficile, que le Centre est toujours disposé à mener avec les journalistes.

En vous remerciant pour l’attention et le suivi réservés à ce courrier, nous vous prions d’agréer, Madame la Rédactrice en chef, l’expression de notre considération.

Edouard DELRUELLE, Directeur adjoint
Jozef DE WITTE, Directeur