jeudi, mars 22, 2012

France - Des meetings électoraux "ciblés", pas du tout "communautaristes"

Comme à chaque élection, des meetings électoraux ciblés sont organisés, chaque candidat d'un des grands partis doit sacrifier à cette tradition là où il existe un électorat spécifique significatif. Ainsi, François Hollande chez les électeurs originaires de "l'outremer" le 10 mars dernier (voir l'affiche sur l'excellent blog de Pierre Kanuty et le compte-rendu du discours de Hollande sur le blog du Collectifdom). Le 15 avril ce sera au tour de Sarkozy, Bayrou tente aussi sa chance plus discrètement, et même Marine Le Pen s'y est mise. Tant que ça concerne les Juifs (dîners du Crif), les "Ultramarins", les Arméniens voire les Noirs (CRAN), ça passe, mais pas avec des musulmans, ce serait "faire du communautarisme"... 

France - Des élus "communautarisés" par leurs maires

En 2008, en effectuant des recherches sur le net pour dresser une liste des maires-adjoints d'origine non-européenne, j'avais trouvé quelque chose de bien étrange sur le site d'une municipalité de droite 
(Issy-les-Moulineaux) dirigée par un membre du gouvernement Sarkozy-Fillon (André Santini), des élus aux attributions ethniques ou religieuses: une adjointe à la "communauté arménienne" (Nicole Essayan, Adjointe, Protocole et Communauté arménienne), un autre à la "communauté israélite" (Alain Levy, Adjoint, Culture, Communauté juive). Ils ont toujours ces attributions en mars 2012, or je l'avais vu en janvier 2008, donc déjà avant les dernières municipales.

Et encore quatre autres, dans des municipalités PS: un conseiller municipal délégué aux rapatriés à Salon-de-Provence (Jean-Marie Virilli), à Montpellier une adjointe au maire "aux communautés scandinaves" (Hélène Qvistgaardet un délégué "à la communauté asiatique" (Jacques Martin), et à Tourcoing un adjoint au maire aux "relations avec la communauté rapatriée." (Alain Mezrag). 

Je suppose que si je cherchais un peu je trouverais aussi des adjoints "aux relations avec la communauté antillaise" dans certaines municipalités.

Autant je considère l'ethnicité et la religion comme des réalités sociales qui doivent être prises en considération dans la gestion publique municipale (aide aux associations culturelles ET cultuelles, sans discrimination autre que celles envers les racistes, fascistes et autres salafistes), autant je trouve déplacé de cibler les attributions de maires-adjoints, ou de conseillers délégués, à une seule communauté, ce d'autant plus quand il s'agit de leur propre communauté ! Je préfère ne pas essayer d'imaginer les réactions médiatico-politiques si on "découvrait" des maires-adjoints à la "communauté algérienne" ou à la "communauté malienne".

France - Pas encore d'évolution significative vers une représentation des minorités à l'Assemblée nationale


La technique qui a consisté au PS (et à l'UMP en 2007) à "réserver" des circonscriptions pour des candidats d'origine non-européenne ("de la diversité"), par conséquent "parachutés" contre la volonté des sections locales, prouve que les responsables de ce parti sont bien conscients du conservatisme de leurs membres sur ce plan - et non de l'électorat, comme le montrent les résultats des cantonales, pourtant avec le même mode de scrutin -, et qu'il est illusoire de s'attendre à l'émergence "naturelle" de tels candidats à court terme.
On constate par ailleurs qu'en 2007 sur une trentaine de candidats PS ou UMP issus de l'immigration non européenne et des DOM-TOM seuls 3 (PS) étaient présentés dans une circonscription déjà détenue par leur parti, et que dans 2 de celles-ci ce sont des dissidents du même parti qui l'ont emporté. La situation est plus favorable en 2012, avec environ 40 candidats de ce type présentés (22 ou 23) ou soutenus (3 EELV, 1 PRG) par le PS ou l'UMP (13), même si le redécoupage des circonscriptions rend plus difficile la comparaison. On notera que l'UMP a investi à Paris une candidate martiniquaise, Nathalie Fanfant, contre la socialiste et guadeloupéenne George Pau-Langevin, l'instrumentalisation de l'origine de la candidate UMP est évidente.
En 2012, huit candidats de gauche (sept socialistes et un écologiste) sont tout de même quasiment assurés (sauf cas de candidature PS dissidente, comme en 2007) de siéger à l'Assemblée nationale (qui comptait 557 députés métropolitains en 2007) parce que présentés dans des circonscriptions précédemment détenues par le PS ou dont les cantons correspondants sont détenus par le PS: Henri Jibrayel (PS, député sortant) à Marseille , Kheira Bouziane (PS) à Dijon, Kader Arif (PS, eurodéputé) en Haute-Garonne, Christian Assaf (PS) à Montpellier, Slimane Tir (EELV) à Roubaix, Hélène Geoffroy (PS) à Vaulx-en-Velin, Malek Boutih (PS) dans l'Essonne et Yacine Djaziri (PS) à Nanterre (Jacqueline Fraysse, FASE, ex-PCF, ne se représente pas).  
Le PS doit s'interroger sur son mode de fonctionnement interne, que ce soit le rôle des "courants" ou la taille et la représentativité sociologique de ses sections locales, qui ne promeut manifestement pas suffisamment le renouvellement et la "diversification" des dirigeants et des élus. On peut par ailleurs s'étonner de certains cumuls, qui ne favorisent certainement ni la "diversité" ni le renouvellement, entre mandats parlementaires et présidences ou vice-présidences de régions.

Enfin, par comparaison avec la Belgique, la moyenne d'âge des candidats aux législatives fédérales de 2010 était située entre 40 et 50 ans, l'âge moyen des députés belges pendant les législatures 1999-2003 et 2003-2007 était de 47 ans. En France,l'âge moyen des députés est de 59 ans, 254 ont moins de 60 ans, autant ont entre 60 et 70 ans, 51 ont même entre 70 et 90 ans. Au PS belge, l'article 68 des statuts prévoit que "La limite d'âge pour toute candidature à un quelconque mandat est fixée impérativement à 65 ans au jour du scrutin électoral (communal, provincial, régional, communautaire, fédéral ou européen) ou de la désignation pour les mandats qui ne sont pas pourvus par élection." 

France - Le PS a-t-il réservé une quarantaine de circonscriptions aux personnes issues de la diversité ?


C'est faux, ainsi que je l'ai déjà exposé dans le débat sur newsring (Pas encore d'évolution significative vers une représentation des minorités à l'Assemblée nationale). Personne n'a d'ailleurs réagi ou démenti les données collectées et publiées, pourtant c'est du factuel, mais ça demande un peu plus de temps de recherche. 
A cet égard, je constate que les médias français sont très paresseux, aucun journaliste, que ce soit en 2007 ou en 2012, n'a pris la peine d'établir une liste complète de ces candidats "de la diversité" alors que l'argument de "protection de la vie privée" ne tient pas puisque le critère de l'origine a bel et bien été mis en avant par le PS, y compris lors d'élections locales intermédiaires où des expressions de mauvais goût comme "notre Obama français" ont parfois été utilisées, notamment par Martine Aubry, pour désigner tel ou tel candidat noir.
Car si on examine de près les identités et les parcours politiques de tous ces candidats, on est bien loin d'une représentation de la réalité sociologique et politique des électorats concernés, et certains ont carrément l'air de n'avoir été sélectionnés que pour leur origine et pour leur risque peu élevé de contestation potentielle (ce que les anglophones appellent "tokenism"), du style "épouse d'un conseiller municipal socialiste, elle n'a jamais adhéré à un parti", comme s'il n'y avait pas suffisamment de candidats "de la diversité" au sein des militants PS de longue date. Autre phénomène bien connu en politique française, la surreprésentation des épouses de "Français de souche" et de personnes issues de "couples mixtes", deux catégories "rassurantes" pour la base.

France - Pourquoi les électeurs issus de l'immigration votent-ils pour le PS ?


Le vote des électeurs issus de l'immigration dans tous les pays de l'Europe occidentale va dans le même sens global, un soutien massif aux partis socialistes et sociaux-démocrates, même de la part des électeurs se déclarant musulmans croyants dans des pays où ces partis sont moins timorés que leur homologue français sur le mariage et l'adoption non discriminatoires pour les couples de même sexe, ou sur le droit à l'euthanasie. C'est une donnée sociologique stable liée aux strates socio-économiques / classes sociales où se situent ces électorats, depuis que des études existent sur le sujet, initialement au Royaume-Uni dès les années 1960-70 et aux Pays-Bas dès les années 1980.
Il y a des nuances là où l'existence de scrutins proportionnels à un tour permet à des partis écologistes de gauche d'exister hors de toute coalition électorale avec d'autres partis de gauche, en Belgique et aux Pays-Bas notamment.
Autres nuances, et cet aspect n'a pas encore été abordé dans ce débat, selon les pays d'origine, parce que "les électeurs issus de l'immigration" ne constituent pas un bloc monolithique. Ainsi, les Surinamiens aux Pays-Bas votent par exemple en proportion importante pour le parti démocrate-chrétien CDA. Et le taux de participation des électeurs britanniques d'origine chinoise est de loin supérieur à celui des Indo-Pakistanais, des Afro-Antillais ou des Africains subsahariens, qui s'abstiennent massivement comme les électeurs français d'origine maghrébine ou antillaise (tradition d'abstentionnisme bien établie égalementdans les colonies françaises d'outremer et dans les autres pays du Tiers-monde).
Enfin, dans de nombreux pays (Benelux, pays scandinaves, Suisse, élections locales allemandes) les électeurs peuvent voter pour un ou plusieurs candidat(s) sur une même liste (vote de préférence) ou sur plusieurs (panachage), les rares études existant sur ce plan montrent que les électeurs issus de l'immigration non-européenne (car c'est bien de ceux-là qu'il est question ici) votent d'abord pour une liste de gauche, plutôt sociale-démocrate, et ensuite pour un candidat de même origine.
Mais au-delà de cette question, il conviendrait de s'interroger plus largement sur la capacité de tous les partis de s'adresser à ces électorats spécifiques. Puisqu'en fin de compte le PS bénéficie pour une bonne part de votes captifs, que font les autres partis pour lui prendre une part du gâteau, et avec quels (in)succès ? Les épisodes Rachida Dati, Rama Yade et Nora Berra montrent-ils que l'UMP a raté son opération séduction ? Quelles sont les leçons à tirer de l'échec du parti associé à l'UMP et uniquement centré sur les citoyens issus de l'immigration, le Cercle de la diversité républicaine ? Les Verts, le PCF, le PRG, le MRC, mais aussi le Modem, font-ils mieux que le PS et l'UMP ? Que penser de l'élimination d'Alima Boumediene-Thiery par Europe Ecologie Les Verts aux dernières élections sénatoriales de 2011 ?

France - Le PS français paternaliste, compromis avec les milieux pro-israéliens, islamophobe

paternalisme post-colonial

  1. création de SOS Racisme pour saboter l'émergence d'un mouvement organisé de l'immigration et des banlieues et récupérer les marches pour l'égalité et contre le racisme de 1983-1984

compromission avec les milieux pro-israéliens

  1. présence sur les listes PS aux élections européennes de François Zimeray, partisan de l'entrée d'Israël dans l'Union européenne
  2. présence sur les listes PS à Marseille et en PACA du président de l'association pour le bien-être du soldat israélien, Jocelyn Zeitoun 
  3. refus du PS, en particulier de Dominique Strauss-Kahn, de voir Mouloud Aounit prendre la tête de la liste fusionnée des partis de gauche entre les deux tours des régionales de mars-avril 2004  

islamophobie

  1. en janvier 1983, le Premier ministre socialiste Pierre Mauroy, le ministre socialiste de l'Intérieur Gaston Deferre et le ministre socialiste du Travail Jean Auroux ont stigmatisé les grévistes CGT de Renault-Billancourt, en majorité des « travailleurs immigrés », en les accusant d'être manipulés par des « intégristes ». Mauroy a déclaré notamment au Monde du 11 février que les grévistes de Renault « sont agités par des groupes religieux et politiques qui se déterminent en fonction de critères ayant peu à voir avec les réalités sociales françaises ». Le sociologue Abdelmalek Sayad écrira plus tard à ce sujet que « On ne mesure pas assez combien les ouvriers immigrés souffrent du climat de suspicion qui a gagné le travail et dont ils font une douloureuse expérience : des ouvriers pourtant analphabètes ont gardé des coupures de journaux rapportant les commentaires d'hommes politiques dénonçant les grèves des immigrés, laissant entendre qu'ils seraient de connivence avec quelque force étrangère. » 
  2. polémiques sur le "Franprix halal" et le "Quick halal", lancées respectivement par deux maires PS, Manuel Valls à Evry en décembre 2002 et René Vandierendonck à Roubaix en février 2010, longtemps avant que François Fillon et Claude Guéant repassent le plat en mars 2012
  3. vote massif des parlementaires PS en faveur de la loi chiraquienne sur les signes religieux dans les écoles publiques en février 2004
  4. proposition de loi d'une sénatrice PRG, massivement soutenue et votée par le PS au Sénat en janvier 2012, visant à « étendre l’obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et aux assistantes maternelles »