(pour les Français: le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme est un peu l'équivalent belge de la Halde, le MRAX celui du MRAP)
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COMMUNIQUE DE PRESSE
Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme
22 juin 2009
Port du voile dans une assemblée parlementaire : réaction du Centre
Le Centre est régulièrement interpellé à propos de la question du port du foulard islamique. Cette question revient aujourd’hui dans l’actualité à l’occasion de la prestation de serment des élus du parlement bruxellois qui se déroulera ce mardi 23 juin. Elue sur les listes CDH, Mahinur Ozdemir siégera en effet voilée. Ce choix a d’ores et déjà suscité le dépôt de propositions de modification du règlement des assemblées parlementaires pour y faire interdire le port de signes religieux ou philosophiques distinctifs.
A cet égard, le Centre rappelle les points suivants :
La liberté de manifester ses convictions est un des fondements de notre société démocratique. Aucune liberté n’est cependant absolue, elle peut souffrir de limitations, mais toujours circonscrites et justifiées.
La neutralité de l’Etat est également un principe fondamental de notre société. Il ne peut être remis en cause, même si les manières d’envisager cette neutralité font débat. Pour rappel, la neutralité de l’Etat et de ses agents se déduit des articles 19, 20 et 21 de la Constitution. Sa définition n’a pas, à ce jour, été arrêtée sur un plan juridique. Elle peut néanmoins se concevoir sous une forme exclusive (interdiction de tout signe convictionnel) ou inclusive (acceptation) – ou encore ‘mixte’ (exclusive dans certains cas, inclusive dans d’autres). Le Centre souhaite à ce sujet qu’un large débat ait lieu, fondé sur l’harmonisation interculturelle et le plus grand respect des convictions de chacun. Le Centre rappelle également que le principe de laïcité de l’Etat (indépendance totale du politique par rapport à toute option religieuse ou philosophique particulière) n’est pas reconnu explicitement dans la Constitution belge.
Ce débat relatif à la neutralité de l’Etat ne s’applique cependant pas à la situation de la députée bruxelloise. Le Centre tient en effet à préciser que les membres des assemblées parlementaires ne sont pas des fonctionnaires et ne peuvent être « politiquement neutres ».
Le parlement est par excellence « le » lieu de débat où les élus doivent pouvoir défendre divers courants de pensée et exprimer des convictions très différentes en jouissant d’une liberté d’expression la plus large possible. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme ne laisse aucun doute à cet égard1
Selon Edouard Delruelle, « le Centre s’étonne des propositions de modification du règlement des assemblées parlementaires qui semblent en décalage avec l’objectif premier de débat démocratique qui doit se tenir au sein des enceintes parlementaires ». Le directeur francophone du Centre ajoute que « les réactions entendues à la veille de la prestation de serment de Madame Mahinur Ozdemir ne sont pas la meilleure manière d’accueillir une élue d’un parti démocratique. Ce n’est pas non plus un signe positif envers ses électeurs, qu’ils soient musulmans ou non. »
Le Centre rappelle par ailleurs qu’il publiera en novembre un outil visant à informer chacun sur ses droits et ses devoirs autant qu’à aider les pouvoirs publics à aborder la question des signes d’appartenance « convictionnelle », de la manière la plus constructive et à envisager d’éventuelles modifications de la législation.
Service presse du Centre :
Nadine Brauns (FR) – nadine.brauns@cntr.be – 02 212 3015 (gsm 0475 3333 89)
Eef Peeters (NL) – eef.peeters@cntr.be – 02 212 3005 (gsm 0498 77 10 46)
1 "Le critère de 'neutralité politique' ne saurait s'appliquer à des députés de la même façon qu'à d'autres agents de l'Etat, les premiers, par définition, ne pouvant pas être 'politiquement neutres'". ( CEDH, Zdanoka c. Lettonie, § 117)
"Il serait contradictoire de soumettre l'exercice d'un mandat qui vise à représenter au sein du Parlement différentes visions de la société à la condition d'adhérer au préalable à une vision déterminée du monde" (CEDH, Buscarini et autres c. Saint-Marin, § 39)
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Un non-événement…
Communiqué de presse du 22 juin 2009
Mme Mahinur Ozdemir vient d’être élue au Parlement régional bruxellois. Celles et ceux qui ont voté pour elle, l’ont fait en pleine connaissance de cause. Elle ne l’a jamais caché : telle elle se présente dans la vie de tous les jours, telle elle siège déjà au Conseil communal de Schaerbeek, telle elle siègera au Parlement bruxellois…. c’est-à-dire, entre autres traits de sa personnalité, en portant un foulard islamique. Au même titre que de nombreux démocrates attachés à une conception ouverte et pluraliste de la démocratie, le MRAX se réjouit de ce que la diversité de la société bruxelloise, en ce compris sa diversité religieuse, se manifeste tout naturellement à travers son assemblée représentative.
Mais, manifestement, cette diversité a des limites pour MM. Denis DUCARME et Jacques PIVIN, Députés MR respectivement au Parlement fédéral et au Parlement bruxellois, qui veulent interdire le « port de signes religieux ostensibles » par les élus dans les enceintes parlementaires, et ce au prétexte de la neutralité de l’État !
La neutralité de l’État, le MRAX y est bien sûr attaché. Elle signifie que tout acte posé par une autorité politique ou administrative doit respecter les grands principes du service public, à savoir l’égalité de traitement et d’accès. Cette neutralité se mesure aux actes posés et ne peut se préjuger de la manière dont tel ou tel fonctionnaire public exprime, le cas échéant, son identité religieuse.
En outre, un parlementaire n’est pas un fonctionnaire public. En tant que tel, il ne remplit aucune fonction d’autorité et n’a de pouvoir sur personne. Ce seront ses votes qui devront concourir à la définition de l’intérêt général. Il n’y aucune raison de présumer que, sous prétexte de son foulard, Mme Mahinur OZDEMIR favoriserait plus ses coreligionnaires que tel autre parlementaire, sa commune ou son groupe social d’origine par exemple. Il n’y a donc aucun argument raisonnable pour limiter son droit fondamental à la liberté d’expression ou la liberté de religion, telles que consacrées par notre Constitution et nos Conventions internationales.
Pour le MRAX, l’élection d’une musulmane qui pratique et exprime sa foi telle qu’elle l’envisage librement, devrait être un non-événément. Il serait temps que le port du foulard, dans l’espace public comme dans diverses fonctions publiques ou privées, devienne un fait banal témoignant d’un « vivre-ensemble » décrispé. Ceux qui ont décidé de faire de ce foulard l’enjeu d’une croisade à répétition au nom de quelques grands principes dévoyés, porteront la responsabilité d’affrontements dont notre société a tout l’intérêt à faire l’économie.
Contacts :
Radouane BOUHLAL, Président, radouane.bouhlal@gmail.com - +32 (0) 475/75.14.89.
Didier de LAVELEYE, Directeur, didier.delaveleye@mrax.be - +32 (0) 2/209.62.59.
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http://www.lesoir.be/
Députée voilée : la réaction des associations
BELGA
lundi 22 juin 2009, 17:14
Réactions Le débat naissant autour de la prestation de serment, mardi au parlement bruxellois, de la députée CDH Mahinur Özdemir « stigmatise une fois encore la femme musulmane voilée comme étant un problème », affirme le MRAX. Le Centre pour l’Egalité des Chances rappelle pour sa part que le parlement est le lieu de neutralité par excellence, où les députés ont le droit d’exprimer leurs convictions.
Face à la polémique qui s’annonce sur le port du voile dans les assemblées parlementaires, le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (CECLR) plaide pour un large débat public sur la « neutralité inclusive ».
« Alors que Denis Ducarme plaide pour la neutralité exclusive en demandant de s’abstenir de porter le voile, le CECLR appelle à un large débat sur la neutralité inclusive : dans certains lieux, comme les parlements, ne peut-on pas accueillir les différentes formes de convictions et de croyances, si tant est qu’elles soient démocratiques ? », s’interroge Edouard Delruelle, président du CECLR.
Les députés MR fédéral Denis Ducarme, et régional Philippe Pivin ont annoncé le dépôt de propositions de modification de règlement de leurs assemblées parlementaires respectives pour y faire interdire le port de signes religieux ou philosophiques distinctifs. Mahinur Özdemir, jeune députée CDH d’origine turque, prêtera serment mardi devant le parlement bruxellois, la tête couverte du hidjab.
« Le parlement n’est-il pas par excellence le lieu de neutralité où les députés peuvent exprimer ce qu’ils font ? », poursuit M. Delruelle, rappelant la liberté d’expression des élus.
Radouane Bouhlal, président du Mrax (Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie), parle pour sa part de « situation invraisemblable » et réfute une atteinte au principe de neutralité. Mahinur Özdemir « n’a pas menti à ses électeurs. Elle a fait sa campagne voilée et elle a été élue comme elle est, pour ce qu’elle est ».
La présidente du Conseil des femmes francophones de Belgique, Magdeleine Willame, rejoint cette position, mais n’exclut pas un débat sur le sujet.
Mahinur Özdemir a « suffisamment averti ses électeurs potentiels par ses affiches la montrant avec le foulard qu’il en serait ainsi une fois élue », dit-elle, ajoutant qu’« établir un débat parlementaire sur le sujet, au niveau fédéral comme au niveau des entités fédérées, pourrait clarifier définitivement le débat ».
Dans ce contexte, le CECLR lancera, dès le mois de septembre, un site internet d’informations et de recommandations sur les signes convictionnels présents dans tous les champs de la vie sociale. « Il faut éviter qu’il y ait une politique de deux poids deux mesures », souligne M. Delruelle, qui se demande si d’autres signes ostentatoires (croix chrétienne, flambeau laïc, triangle rouge qui marque la lutte contre l’extrême droite, etc.) seront désormais interdits au sein des assemblées.
Sur le plan symbolique, il regrette par ailleurs l’accueil réservé à cette jeune députée, élue démocratiquement. « Il s’agit aussi d’un signe plutôt négatif par rapport aux électeurs en général, qu’ils soient musulmans ou pas ».
Pour le Centre d’Action Laïque (CAL), qui milite depuis toujours pour une séparation claire des Eglises et de l’Etat, les élus ne peuvent quant à eux « raisonnablement pas être assimilés à des agents de l’Etat ». « Ils sont, par définition, porteurs de tendances, qu’il s’agisse de celles de leur parti ou de celles, personnelles, sur lesquelles ils ont rallié les suffrages des électeurs », explique Yves Kengen, directeur de la communication du CAL.
L’Exécutif des musulmans de Belgique n’a pour sa part pas souhaité se prononcer sur le débat naissant, évoquant sa responsabilité limitée à l’aspect temporel du culte.
Enfin, l’association féministe Vie Féminine rappelle sa position « non passionnée et respectueuse des femmes », qui ne penche ni en faveur ni en défaveur du voile, mais qui vise à « donner la parole aux femmes et favoriser l’autonomie de leur choix dans cette question qui touche à leur statut d’individu et de femme ».
(belga)
Les libéraux plutôt discrets
(La Dernière Heure 23/06/2009)
L'Olivier estime qu'il s'agit d'une non-affaire. Associatif et MR veulent lancer le débat de fond
BRUXELLES Réactions en tous genres, la plupart dans le même sens, hier aux propos de Denis Ducarme (MR) sur le port du voile dans l'hémicycle régional. Revue des points de vue.
Mrax . Denis Ducarme "stigmatise une fois encore la femme musulmane voilée comme étant un problème". Une "situation invraisemblable" , selon le président du Mrax Radouane Bouhlal.
Centre pour l'égalité des chances . "Alors que Denis Ducarme plaide pour la neutralité exclusive en demandant de s'abstenir de porter le voile, le CECLR appelle à un large débat sur la neutralité inclusive : dans certains lieux, comme les Parlements, ne peut-on pas accueillir les différentes formes de convictions et de croyances, si tant est qu'elles soient démocratiques ?"
Magdeleine Willame, présidente du Conseil des femmes francophones de Belgique . Mahinur Özdemir a "suffisamment averti ses électeurs potentiels par ses affiches la montrant avec le foulard qu'il en serait ainsi une fois élue".
Rudy Vervoort , PS. "Elle n'est pas fonctionnaire, titulaire d'une part de la puissance publique. Mais c'eût été différent si elle avait été nommée ministre où si elle accédait à la magistrature."
Écolo . "Il ne saurait être question de prendre un règlement visant à discriminer une élue en particulier, qui plus est en préjugeant du sens que revêt pour elle ledit foulard et, partant, de la manière dont elle entend exercer son mandat."
Jean-Michel Javaux . "Il ne faut pas créer de problèmes là où il n'y en a pas. Nous sommes dans un État neutre et pas dans un État laïc. Le Parlement doit être le reflet de la société."
MR . "Nous demandons un débat sans a priori et constructif. Ouvert aux institutions telles que l'école, les administrations publiques, etc."
Joëlle Milquet . Prendre les élus "pour ce qu'ils sont et ont dans la tête et non pour ce qu'ils peuvent avoir sur la tête".
M. L.
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