lundi, janvier 08, 2007

Les "minorités ethniques" et les élections en Belgique

Un étudiant m'a envoyé une série de questions auxquelles j'ai répondu hier. Je n'ai pas répondu à toutes, vu leur nombre impressionnant, mais il me semble intéressant de les soumettre aux lecteurs de ce blog, qui auront probablement des commentaires intéressants à apporter.

- Comment définiriez-vous les « minorités ethniques » dans notre contexte Belge ?

Je ne suis pas sûr que le terme "minorités ethniques" corresponde bien à la situation des allochtones en Belgique. Pour le moment, je travaille plutôt sur des questions de représentation de minorités nationales (Turcs de Bulgarie, Hongrois de Roumanie), mais les Turcs d'Allemagne ou les Marocains de la Région bruxelloise ne forment pas vraiment une minorité en tant que telle. Ces questions de désignation sont complexes.

- Comment sont-elles organisées socialement et politiquement ?


Elles ne sont pas organisées en tant que telles, sauf exception: Arméniens et Grecs, et dans une certaine mesure Juifs. C'est-à-dire que la Fédération des Communautés helléniques de Belgique et le Comité des Arméniens de Belgique regroupent chacun tous les partis du pays d'origine ou de la diaspora, ainsi que toutes, ou presque, les associations régionales ou autres. Il y a le CCOJB pour les Juifs francophones et le Forum pour les Juifs néerlandophones, mais dans les deux cas il reste des organisations importantes en-dehors. Il n'y a aucun équivalent pour les Turcs ou les Marocains.

- Quelles sortes d'actions posent-elles politiquement ?

voir supra

- Quelles seraient – d'après vous – les grandes étapes par lesquelles sont passés les minorités ethniques pour la représentation ?

Elles n'ont pas eu d'action en tant que telles, ce sont les individus qui se sont portés candidats, spontanément ou sur sollicitation des partis.

- La question principale : Pourquoi certaines minorités ethniques sont-elles plus représentées que d'autres ?

Il y a plus d'individus de telle ou telle origine qui détiennent des mandats politiques, ce ne sont pas des collectivités qui sont représentées.

- Le fait d'être plus nombreux joue-t-il sur le point de la représentation ?

voir supra

- Comment expliquer le peu d'intérêt porté par les allochtones pour les CCCI (conseils consultatifs communaux des immigrés) apparus à la fin des années soixante ?

Il faut voir quel était le statut de séjour des étrangers à l'époque, on pouvait leur enlever leur carte de séjour assez facilement. Par ailleurs, la Sûreté de l'Etat les surveillait, ainsi que les services secrets de leurs pays d'origine, et dans de nombreux cas ils n'étaient pas démocratiques, Espagne franquiste, Portugal salazariste, Grèce des Colonels, Turquie des généraux, Maroc de Hassan II. Et les partis ne s'intéressaient pas encore à eux, ils ne l'ont fait qu'à partir de la fin des années 1990, quand ils ont représenté un enjeu électoral.

- Pourquoi les non européens (turcs, marocains) s'engagent-ils plus que les européens (français, espagnols, italiens) en général ?

Je ne peux parler que de Bruxelles, que je connais mieux. Il n'y a quasiment plus, à ma connaissance, de "travailleurs immigrés" dans les sections des partis des pays d'origine, ils ont été remplacés par des "eurocrates" et autres expatriés tournant autour des institutions européennes. c'était déjà le cas à la section du PS français quand j'en était membre en 1984, mais au PSOE espagnol et au PDS italien ça a suivi dans les années 1990. Il y a aussi des cadres politiques des partis et organisations d'Européens qui étaient actifs dans les années 1960-1980, et qui tout simplement sont morts, retournés au pays ou ont pris leur retraite, et il n'y a pas eu de relève. A ma connaissance, il n'y a pas tant que ça de Marocains et de Turcs dans les organisations politiques, il y a un certain nombre de candidats, c'est visible, mais au total ça ne concerne pas des centaines de personnes non plus.

- On observe que proportionnellement les allochtones votent peu, comment expliqueriez-vous cela ?

Je n'ai pas connaissance de telles observations, il y a juste des chiffres pour l'inscription des résidents étrangers sur les listes électorales, mais pas sur les belges allochtones. Une des hypothèses est d'ailleurs que ceux qui étaient vraiment mordus par la politique ont pris la nationalité belge.

- Pourquoi y a-t-il plus de Marocains que de Turcs élus ? Est-ce une situation spécifique à Bruxelles ou non ?

Les Turcs sont surtout regroupés à Schaerbeek et à Saint-Josse, et dans une moindre mesure à Laeken (qui fait partie de Bruxelles-Ville) et à Anderlecht. Les Marocains sont présents dans plus de communes, y compris dans la périphérie (Brabant flamand), ça leur donne donc la possibilité d'avoir un ou plusieurs élus dans quasiment toutes les communes, notamment parce que des électeurs de même origine votent pour eux.

- Pensez-vous que les candidats aux élections d'origine étrangère ont-ils une façon de faire compagne spécifique ?

Oui, même s'ils prétendent le contraire quand des journalistes ou des chercheurs leur posent la question.

- Gardent-ils en général des liens avec 'leur communauté' ?

Pas toujours autant qu'on pourrait le croire, c'est surtout en période électorale. Mais chaque élu a sa spécificité.

- Pensez-vous que les tensions à l'intérieur du parti avec les autres élus sont fréquentes ?

Je n'en ai pas l'impression, il y a notamment un phénomène de double discours et de double attitude motivé par le contrôle social de part et d'autre. Avec des camarades du PS, ou parfois en privé, certains vont boire ostensiblement une bière ou un verre de vin pour "prouver" qu'ils sont "bien intégrés", et dans des fêtes où il y a d'autres Marocains, ils vont faire attention à ne boire que des boissons non alcoolisées ou boire du vin dans une tasse pour "camoufler". Idem pour certains des élus turcs. Parallèlement, le discours n'est pas toujours identique avec tel ou tel interlocuteur sur des sujets comme l'euthanasie, le mariage ouvert aux couples gays etc. Mais, au PS surtout, il y a des intérêts financiers (mandats rémunéré, emplois) tels que les élus allochtones tentés de "ruer dans les brancards" restent calmes. Il y a d'ailleurs des exemples pour montrer ce qui arrive aux méchants: soit ils ne reçoivent pas de boulot, soit on ne les reprend plus sur la liste, ou si on les reprend on ne leur donne rien après les élections. Mais ça arrive rarement.

- Les élus d'origine étrangère sont-ils présents dans un parti plus que dans un autre ? Et si oui, pourquoi ?

Le PS est dominant côté francophone, il a donc plus de mandats électifs et dérivés, il a aussi plus de membres que les autres partis. Ceci explique cela.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

URGENT APPEL DARFOUR

Merci si possible de soutenir l'appel et la manifestation de ce dimanche pour le Darfour (www.DARFOUR.BE)