samedi, janvier 31, 2009

Le candidat Karoutchi joue la carte du coming out pour pallier son manque de notoriété

Pierre-Yves Lambert (Suffrage Universel)

31 janvier 2009. - Onze ans après André Labarrère, député-maire PS de Pau, élu de Pau depuis 1967, et Bertrand Delanoë, à l'époque sénateur PS de Paris et élu de Paris depuis 1977, le secrétaire d'Etat UMP Roger Karoutchi, d'origine juive marocaine, a fait son coming out dans L'Optimum, un magazine « pour distraire et informer tous les hommes de 30 à 35 ans », et dans le magazine « Sept à huit » sur TF1, créant ainsi un « buzz » médiatique (L'Express parle de « plan média »1) depuis une semaine. Il s'est toutefois empressé de préciser que « je reste un gaulliste dans l'âme, un républicain peu enclin aux communautarismes quels qu'ils soient » 2.

La notoriété nationale de cet ancien étudiant gaulliste qui combattit la chienlit en mai 1968, à 17 ans, est très faible, même s'il a obtenu son premier mandat il y a vingt ans, comme conseiller municipal RPR à Nanterre, devenant par la suite conseiller régional, député européen, puis sénateur,

Son coming out s'inscrit dans le cadre de sa candidature à l'investiture UMP comme tête de liste aux élections régionales en Ile-de-France contre Valérie Pécresse, qui s'affiche volontiers dans les médias « people » aux côtés de son compagnon et de ses enfants. D'après l'eurodéputé PS Harlem Désir, « Simplement, peut-être qu'il a voulu prévenir, dans sa famille politique, un mauvais coup (...) et il a préféré prendre les devants »3, ce que l'intéressé a implicitement confirmé sur TF1, «Comme ils avaient une tendance naturelle à en parler à ma place, sans que je ne dise rien, on va admettre qu'il vaut mieux que ce soit moi qui en parle» 4.

Seuls deux autres élus de droite sont actuellement ouvertement gays, Philippe Meynard (Modem), à l'époque de son coming out (2001) adjoint au maire UDF de Barsac (2000 habitants), en Gironde, entretemps maire depuis 2004, réélu en 2008, après moult péripéties pour cause d'homophobie5, et Jean-Luc Romero (UMP), conseiller municipal dès 1989, conseiller régional RPR depuis 1998, qui a lui aussi connu pas mal de péripéties dans son parcours politique en raison de ses prises de position engagées, notamment contre l'investiture UMP à l'homophobe Christian Vanneste.

Le magazine E-llico rappelle que Karoutchi, « au moment du débat sur le PaCS, n'a pas cru utile de se distinguer de ses amis politiques quand ceux-ci tenaient des discours profondément homophobes » et compare ce coming out à celui de Bertrand Delanoë, engagé dans la lutte contre les discriminations, avec cette « différence entre coming out de gauche et coming out de droite, sans doute, la droite privilégiant l'individu, la gauche la collectivité » 6.

Rappelons que le sénateur Karoutchi s'en était pris, en octobre 2004, au site Suffrage Universel dans une interpellation au ministre de l'Intérieur parce que son nom y figurait, à tort selon lui, parmi les conseillers régionaux d'origine non européenne 7. Monsieur Karoutchi a peut-être fait son coming out en tant que gay, mais pas en tant que Marocain juif au même titre qu'André Azoulay, Abraham Serfaty ou que les sénateurs PS David Assouline (France) et Olga Zrihen (Belgique), préférant, se faire passer pour « enfant d'une famille juive pied-noir de Casablanca (Maroc) » 8.

1Elise Karlin, Le scoop de L'Optimum, L'Express, 23 janvier 2009

3AFP, Karoutchi: « prévenir un mauvais coup », Le Figaro, 25 janvier 2009

5Judith Silberfeld, Philippe Meynard ne sera pas maire de Barsac, Têtu, 26 mars 2001; Paul Parant, Philippe Meynard réélu par le conseil municipal de Barsac (Gironde), Têtu, 17 mars 2008

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