jeudi, janvier 08, 2009

A. El Youssoufi: "Peut-on juger en Belgique Ehud Olmert, Ehud Barak..."

Peut-on juger en Belgique Ehud Olmert, Ehud Barak et d’autres responsables Israéliens pour crime contre l’humanité, crime de guerre et violation des droits humanitaires à Gaza ?

En tant que citoyen épris de justice et de paix et devant l’incapacité des Etats dis du « monde libre » d’arrêter les massacres d’une population civile, je m’interroge sur la possibilité de poursuivre en Belgique le premier ministre Israélien Ehud Olmert, son ministre de la défense Ehud Barak et les généraux de l’armée israélienne qui sont impliqués dans les derniers massacres de la population palestinienne de la bande de Gaza.

Les faits qu’on pourrait leur reprocher sont : crimes contre l’humanité, crime de guerre et violation grave des droits humanitaires.

Nous savons que sur le plan pénal, la Belgique a exhibé fièrement dans les années 90 une loi dite de « compétence universelle » promulguée exactement le 16 juin 1993 qui permettait aux victimes du monde entier de poursuivre les auteurs présumés de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, indépendamment de la nationalité des auteurs et des victimes, et indépendamment du lieu de perpétration des crimes.

Cette loi a permis d’arriver à certaines condamnations concernant le génocide du Rwanda, l’affaire Hissen Habré au Tachad, l’affaire Pinochet, l’affaire Sabra et Chatila, et une plainte à l’encontre du général Tommy Franks de l’armée des Etats-Unis, pour des atrocités commises à l’occasion de l’invasion de l’Irak et enfin à l’affaite Bush.

Concrètement il s’agissait pour une victime de déposer directement en Belgique une plainte avec constitution de partie civile auprès d’un juge d’instruction ainsi que le procureur qui a, lui, le pouvoir de déclencher les poursuites pénales contre les auteurs. Mais dans les faits si l’application de cette loi en Belgique avait commencé à produire certains effets concrets chez certains auteurs des crimes, celle-ci a dû faire marche arrière, a subi une modification et s’est vidée de sa substance quand il s’agissait de toucher l’Etat d’Israël et les Etats-Unis.

Rappelons-nous qu’en 2003, la plus haute instance judiciaire belge, la Cour de Cassation, a créé la surprise en permettant des poursuites en Belgique pour crimes contre l’humanité contre le premier ministre Ariel Sharon lorsqu’il ne sera plus protégé par l’immunité liée à sa fonction.

Mais si Ariel Sharon était protégé temporairement par cette immunité, cet arrêt de la cour de cassation ouvrait en revanche la voie à une relance des poursuites contre le général Israélien Amos Yaron qui avait aussi une « responsabilité personnelle » comme Ariel sharon dans le massacre de plus de 3000 palestiniens de Sabra et Chatila par les phalangistes libanais.

Les avocats des rescapés de Sabra et Chatila se sont félicités de cette décision. «C’est un des arrêts des plus importants qui soit en droit international. La Justice reconnaît que la loi belge sur la compétence universelle est indépendante du fait que l’accusé ne soit pas en Belgique », a commenté un des avocats.

Par contre cette décision a suscité la colère d’Israël qui a immédiatement rappelé son ambassadeur et qui allait provoquer une crise dans les relations diplomatiques entre la Belgique et l’Etat hébreu.

Danny Shek, directeur à l’époque des Affaires européennes au ministère des affaires étrangères de l’Etat Hébreu a déclaré : « Pour nous toute poursuite de citoyen israélien, qu’il soit Premier ministre ou non, est problématique ». « Nous ne sommes pas satisfaits de cette décision et je suis troublé pour le bon déroulement des relations entre la Belgique et Israël » a-t-il ajouté.

A cette pression israélienne vient s’ajouter une autre pression de poids, celle des Etats-Unis qui ont menacé la Belgique si les parlementaires n’abrogent pas la loi ou ne la révisent de manière que les officiels américains ne risquaient plus rien en se rendant à Bruxelles, les institutions de l’Otan allaient être évacuées vers d’autres pays. Le port d’Anvers serait menacé d’embargo et le commerce du diamant était également visé.

Le gouvernement belge a fini par céder aux pressions d’Israël et des Etats-Unis en réduisant la portée de sa loi de « compétence universelle ». Des amendements majeurs seront proposés au Parlement. Ainsi, d’une compétence universelle absolue, on peut dire que la Belgique est passée à une compétence universelle limitée aux seules exigences du droit international.

On peut, dans ce cas précis, sérieusement s’interroger sur l’état de conscience morale des parlementaires qui ont proposé ces amendements et ceux qui ont voté pour ces amendements par rapport aux nombreux crimes perpétrés par les responsables israéliens, de manière à moduler mon vote aux prochaines élections ou appeler à la désobéissance civile au cas où les votes des amendements auraient été unanimes.

Néanmoins, tout le monde sait qu’il y a encore un travail de citoyenneté à effectuer et le poids du droit international qu’il faut essayer de faire appliquer au niveau de la Belgique pour ne pas laisser les crimes des responsables Israéliens impunis.

La compétence universelle ne disparaît pas pour autant : simplement, elle s’identifie désormais avec la compétence universelle de droit commun qui énonce dans son article 12 bis : « Les juridictions belges sont compétentes pour connaître des infractions commises hors du territoire du Royaume et visées par une convention internationale liant la Belgique lorsque cette convention lui impose, de quelque manière que ce soit, de soumettre l’affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice des poursuites. »

Si la compétence universelle en Belgique se réduit désormais à ce que prévoit le droit international humanitaire, il faut alors rappeler le contenu de ce dernier. En ce qui concerne les crimes de guerre, le droit international oblige les Etats parties à « rechercher les personnes prévenues d’avoir commis, ou d’avoir ordonné de commettre, l’une ou l’autre de ces infractions graves, et elle devra les déférer à ses propres tribunaux quelle que soit leur nationalité. Elle pourra aussi, si elle le préfère, et selon les conditions prévues par sa propre législation, les remettre pour jugement à une autre Partie contractante intéressée à la poursuite, pour autant que cette Partie contractante ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes. » (CG, art. commun 49/50/129/146)

En ce qui concerne les crimes contre l’humanité, l’Assemblée Générale des Nations Unies a affirmé que ces crimes devaient être réprimés et elle a insisté sur la nécessité que les auteurs de ces crimes soient « recherchés, arrêtés traduits en justice et, s’ils sont reconnus coupables, châtiés » (A/Rés. 3074 (XXVIII), 3 déc. 1973, § 1).

Même si les chances sont infiniment minces d’obtenir un jour l’inculpation, l’extradition et la condamnation des responsables Israéliens en Belgique, la société civile représentée dans des associations de défenses des droits humaines (dont certaines connues pour leur lutte contre le racisme sont restées curieusement silencieuses), quelque soit sa tendance idéologique, doit se mobiliser pour examiner la possibilité de dépôt de plusieurs plaintes contres les criminels Israéliens.

La responsabilité de chaque citoyen doit être engagée dans la manière de réagir face à ces atrocités commises à l’encontre d’une population opprimée, emprisonnée, massacrée par un Etat financé et soutenu par les pays occidentaux. Comment peut-on comprendre le mutisme de ces Etats démocratiques et défenseurs des droits de l’homme devant ces injustices flagrantes et surtout quand Nicolas Sarkozy vient de qualifier Israël d’une grande démocratie ? Quelle mauvaise leçon de démocratie qu’on donne au monde !

Enfin, sans tomber dans la précipitation et en gardant la tête froide, il est, à mon avis grand temps de poser un regard nouveau sur la situation du monde. Trop facile d’expliquer et d’analyser les événements à travers une catégorie d’analyse tout faite et prête à l’emploi pour calmer les foules et échapper à ses responsabilités. Je pense en disant cela au concept de terrorisme qui a toujours été considéré et examiné comme une cause première et jamais comme une conséquence et une résultante des agissements aveugles de certains Etats.

Abderrahmane El Youssoufi
Doctorant en sciences politiques et sociales à l’ULB

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Baraka Allahou fîk