A l'occasion des arrestations opérées par la police belge fin novembre 2008 suite aux mandats d'arrêts internationaux décernés par le Royaume du Maroc dans le cadre du procès du "réseau Belliraj", la presse a reproduit, sans les mettre en exergue ni les commenter sur le fond, les propos de la porte-parole du Parquet fédéral belge, Lieve Pellens, concernant les suspects binationaux "extradables" vers le Maroc.
Il y a pourtant matière à réflexion et à commentaires, puisqu'il s'agit là de l'application d'une Convention belgo-marocaine sur l'extradition signée en 1997 et promulguée par le Sénat et la Chambre belges en... 2005 sans que son quatrième article ("Les Parties contractantes n'extraderont pas leurs ressortissants respectifs. La qualité de ressortissant s'appréciera à l'époque de l'infraction pour laquelle l'extradition est requise.") suscite (jusqu'à preuve du contraire) la moindre réserve de la part des parlementaires parmi lesquels, à l'époque, plusieurs élus eux-mêmes binationaux belgo-marocains, soit trois députés fédéraux, Mohamed Boukourna (PS), Talbia Belhouari (PS) et Nahima Lanjri (CD&V), et six sénatrices Mimount Bousakla (SP.A), Sfia Bouarfa (PS), Amina Derbaki Sbai (PS), Olga Zrihen (PS), Jihane Annane (MR) et Fauzaya Talhaoui (Spirit).
En clair, un citoyen belge d'origine marocaine se trouvant sur le territoire belge peut, depuis l'entrée en vigueur de cette convention, être considéré par l'Etat belge comme un ressortissant marocain, en-dehors même de toute procédure de déchéance de nationalité (procédure régie par la loi et jamais appliquée, mis à part pour des Belges d'origine allemande il y a plus d'un demi-siècle), et malgré la proclamation constitutionnelle de l'égalité des Belges devant la loi et la suppression il y a une quinzaine d'années de la distinction entre "petite naturalisation" et "grande naturalisation".
Les corédacteurs belges de cette convention (en 1997) étaient particulièrement hypocrites puisque, de toute évidence, cet article ne pouvait s'appliquer qu'aux Belges d'origine marocaine, jusqu'à preuve du contraire il n'y a en effet pas de Marocain d'origine belge, la législation marocaine en matière de nationalité étant particulièrement archaïque, ne permettant par ailleurs pas (sauf par décret royal) à une personne ayant acquis une autre nationalité de renoncer à la nationalité marocaine (probablement parce que cela équivaudrait à un outrage au roi et commandeur des croyants que de ne plus vouloir en être "sujet", et aussi parce que la nation marocaine, même si elle inclut encore quelques Juifs, est essentiellement musulmane et que l'abandon de cette nationalité équivaudrait à une apostasie).
J'ai alerté il y a plus d'une semaine (le 28/11) divers parlementaires et un responsable associatif, personne ne m'a répondu, manifestement il y a malaise parce que cette discrimination ne frapperait, dans cette affaire d'actualité, que des suspects de terrorisme et que personne ne voudrait apparaître comme "défenseur de terroristes".
Pourtant, il s'agit bien d'un dossier qui mérite d'être débattu, ils sont bien muets tous ceux qui dénonçaient, il y a trois ans, les propos de la Présidente du Sénat, Anne-Marie Lizin (PS), sur les "Belges entre guillemets". Mais il y a des indignations sélectives...
Pierre-Yves LAMBERT
8 décembre 2008
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"Sept de ces suspects seraient extradables. Les autres personnes ayant la nationalité belge ne pourraient pas être extradées à moins qu'elles aient acquis la nationalité belge après les faits pour lesquels elles sont accusées par les autorités marocaines." (...) "Sur les sept suspects interpellés jeudi matin et qui sont extradables, trois sont connus de la Justice belge pour avoir été condamné dans le cadre du procès fin 2005 du GICM (Groupe islamique combattant marocain), celui du GIA (Groupe islamique armé) en 1995 ou dans le cadre d'un dossier de grand banditisme. Six de ces sept hommes ont la nationalité belgo-marocaine et le dernier est Algérien. Les six premiers ont acquis la nationalité belge après les faits dont ils sont accusés par les autorités marocaines." (dépêche Belga 27/11/2008)
"Art. 4. Les Parties contractantes n'extraderont pas leurs ressortissants respectifs.
La qualité de ressortissant s'appréciera à l'époque de l'infraction pour laquelle l'extradition est requise." (7 JUILLET 1997. - Convention entre le Royaume de Belgique et le Royaume du Maroc sur l'extradition, signée à Bruxelles le 7 juillet 1997. - publication le 29/04/2005, entrée en vigueur 21/05/2005)
1 commentaire:
Mais mise à part cette discriminante «convention»…
Pourtant, je me souviens avoir assisté plusieurs fois à des conférence-débats, organisées dans le milieux politico-associatif bruxellois, s'intitulant pompeusement : «Citoyen à part entière ou entièrement à part» !!!
Mais mise à part cette discriminante «convention»… : permettant l'extradition d'un Belge d'origine marocaine vers la "justice dépendante chérifienne" sans que celui-ci ne puisse bénéficier du droit d'être assisté par un avocat de la même nationalité que lui, puisqu'aucune «convention» n'existe, à ce propos, entre les deux Etats !!! Un comble !!!
Une autre question bien plus impertinente devrait se poser à notre conscience !!!
Je m’explique :
1) Il ne fait aucun doute pour plusieurs organes (juridiques, académiques, associatifs, politiques, citoyens, … observateurs qu’au Maroc, la torture est une pratique institutionnelle dont les «forces de la sécurité» font pour ne par dire traditionnellement, je dirais couramment usage !!!
2) La presse nationale belge tout comme les sites internet nous font part de témoignage de personnes ayant enduré des sévices corporels et psychologiques, autrement dit : la torture !!!
3) Il existe au sein de toute communauté démocratique qui se respecte (Convention européenne et donc convention entre notre Etat et tout autre Etat, par exemple) des dispositions, évidentes et claires, interdisant toute extradition d’une personne quelle que soit son origine, quels que soient les motifs (terrorisme ou autre !!) de la demande d’extradition, vers un Etat reconnu comme tortionnaire !!!
En Conséquence, interpellant toute personne respectueuse des principes démocratiques, je me pose la question de savoir pourquoi, au-delà des clivages, personne ne se pose la question de savoir s’il serait indiqué de suspendre toute extradition vers le Maroc tant que cet Etat n’est pas en condition de nous fournir des garanties quant au respect de l’intégrité physique et mentale des personnes extradées…
On peut aussi se tromper !!! Le Maroc, contrairement à ce qui se sait, pourrait très bien être respectueux et donc respectable !!!
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